Le journal de Michel saison 2


Je me connais, je crains de me réveiller tard pour commencer l’étape du jour et mets le réveil à sonner chaque soir. En fait, je suis toujours éveillé dans le quart d’heure ou la demi-heure qui précède la sonnerie.

Hier soir, j’ai appris une excellente nouvelle au téléphone par ma fille : Yves et Fabienne, mes bons amis d’enfance et de jeunesse, doivent être en Toscane car Fabienne poste des photos de Florence sur Facebook. Sitôt après avoir raccroché, je leur envoie un texto, ils me rappellent :
« Salut les amis, êtes-vous en Toscane ? Moi, j’y suis.
- Oui, nous sommes près de Sienne, nous découvrons la région en voiture.
- Quel est votre programme ? On pourrait peut-être se voir ?
- Nous avons vu Florence, Sienne, le Val di Pesa et mardi, dans trois jours, nous allons voir Lucca avant de revenir à Florence prendre l’avion.
- Je suis près de Lucca et je vais vers Sienne. Mardi soir, je serai à San Miniato, nos routes se croisent. On pourrait déjeuner ensemble. Voyons la carte. A mi-parcours pour moi, mardi, il y a une petite ville, Fucecchio, nous pourrions y déjeuner ensemble. Qu’en dites-vous ?
- Oui, c’est bien.
-Alors, à mardi. »

Extraordinaire ! Bien sûr, Yves et Fabienne savaient que je devais finir mon périple cette année, mais nous ne nous étions pas concertés.

Je suis ravi de les voir et me sens léger, même si le ciel est gris et que la pluie menace. Allez, un café lyophilisé, un biscuit sec, et … direction le bar pour le petit-déjeuner.

Aujourd’hui une vraie étape, 18,5 km vers Borgo a Mozzano au Couvent Saint-François et à la Misericordia. Je descend dans la vallée du Serchio puis longe le fleuve, en surplomb, bifurque dans une petite route en montée où je dois trouver un transformateur électrique et un chemin de terre montant. Je marche là depuis trop longtemps, j’ai dépassé un barrage hydroélectrique et des transformateurs, mais d’un côté de la route, il y a le lac artificiel et de l’autre une falaise sans passage possible. J’interroge un pêcheur qui installe son matériel au bord du lac, en ce samedi matin. Il ne sait pas me dire où aller, dans le coin, il ne connait que les cours d’eau. Demi-tour. En descendant, voilà le transfo, caché par la végétation et l’entrée du chemin. J’étais pourtant passé sous les lourds câbles qui descendent alimenter les maisons de la vallée.

Retour aux fondamentaux, le chemin monte bien, mais je sens que la montagne s’épuise et que j’en aurai bientôt fini avec les montées difficiles. A nouveau le chemin est long, dans les bois, isolé. Ne pas trop y penser, le temps se maintient, c’est déjà ça. Puis le chemin débouche sur une petite route qui serpente et me conduit en montant au village de San Romano. A la sortie, je vois un drôle de petit tracteur que je photographie pour mon ami.



 Yves est fils d’agriculteurs et a gardé une passion pour les engins et le milieu agricoles. En 1976, j’avais participé à la moisson chez eux. Mon inexpérience et ma débauche d’énergie avaient beaucoup amusé sa maman.

Nouveau changement, un large chemin pierreux qui monte aussi. Je consulte les infos sur mon smartphone, la coupe du monde de rugby a commencé au Japon et … la France vient de battre l’Argentine. Très bon début. Le soleil perce les nuages. Qu’on est bien dehors à marcher !

Le chemin se poursuit sur un grand plateau puis commence, par une route, la descente vers Borgo que traverse le Serchio au fond de la vallée. Je dois passer près d’oliviers et de vignes, dans un chemin étroit. Je descends deux terrasses pour atteindre les arbres puis à gauche la vigne. Je fais un bel arc de cercle et me retrouve sur la route que je viens de quitter à quelques dizaines de mètres seulement. Ce n’était pas là, poursuivons par la route. Tiens une balise d’Assise et un chemin étroit qui descend tout droit avec d’abord des oliviers puis une vigne. J’entre dans le chemin et m’installe sur un mur de pierres sèches pour finir le fromage et les fruits que j’ai dans mon sac. Puis je reprends la descente, longue elle aussi, arrive au fond de la vallée et entre dans Borgo a Mozzano.

Première étape, trouver un distributeur de billets pour régler mon hébergement et autres dépenses. C’est chose faite, la Poste est à l’entrée de la ville. Le distributeur m’informe aimablement que je pourrais subir des frais selon le contrat que j’ai avec ma banque.

Ah, voilà la Misericordia près de la gare, impossible de la manquer, le bâtiment est énorme et l’enseigne tout autant. Il y a de nombreuses ambulances. La Misericordia est un service de protection civil italien, très proche de l’Eglise catholique. Je me présente et suis abordé par une nuée de jeunes femmes tout émoustillées, en uniforme, une combinaison bleue et orange et des rangers, prêtes à intervenir à la moindre alerte. Aujourd’hui, le Centre de Borgo fête ses 10 ans. 

Après concertation, l’une d’elles me propose de participer à la fête et au buffet qui suivra. Heu ! Je suis surpris et ne sais que répondre. Une autre me prend en charge, dans un français parfait, me conduit à la caisse pour régler la nuitée puis à la chambre, dans la partie du bâtiment où loge le personnel et, donc aussi, les pèlerins de passage. Je la complimente sur son expression en français et elle m’explique qu’elle est marocaine et vit en Italie depuis neuf ans.

Voilà, je dispose d’une petite chambre à trois lits avec une salle d’eau complète. J’en ai la clé, le bâtiment est toujours ouvert. On me dira un peu plus tard que je dois dîner au couvent, comme c’est l’usage pour les pèlerins, à 18h15 précises. Je sors me ravitailler, la ville est étrangement calme et inanimée ce samedi après-midi. Peut-être est-elle tournée vers la fête du Centre ? Et aussi le ciel est gris et pluvieux. Il y a quand même un bar ouvert. Très bien pour la bière au retour.

C’est l’heure du dîner, la fête bat son plein, il y a des ballons colorés (six argentés écrivent « 10 anni ») et beaucoup de monde, le personnel, les amis, les familles, les élus qui, bien que ne portant pas l’écharpe, sont tout à fait reconnaissables. Et la fanfare qui joue bien. «  Siamo in Italia. »

Je monte au couvent qui est perché au dessus du centre de secours. Les bâtiments sont datés du XVIIè siècle, un panneau historique indique que le couvent, par ses actions de charité, a une réputation internationale et qu’il est un hospice pour vieillards depuis cette époque. J’entre dans le couvent par une cour carrée bordée d’une galerie à colonnes qui devait être un cloître. A ma droite, la grande église du couvent, au côté opposé de la cour, un bâtiment de services. J’y vois entrer des pensionnaires, seuls ou le plus souvent accompagnés d’aides-soignants. Je m’approche, une aide charmante en tunique blanche me confirme que la salle à manger est bien là et qu’on m’y attend. Les lourdes tables de bois sont disposées autour de la salle, quatre convives par table. Les couverts sont mis pour le nombre exact de convives, une vingtaine, les pensionnaires et moi. Je suis parmi les derniers à m’installer.

Ils sont tous très âgés à l’exception d’une femme plus jeune qui n’a pas toute sa tête. Certains sont en fauteuil roulant, d’autres ont des béquilles à proximité, deux ont des tuyaux dans les nez pour améliorer leur ventilation. Est-ce cela qui nous attend ? Nous sommes deux à ma table, mon voisin, un homme sec et bavard avec les habitués et les femmes de service, réclame avec conviction pain et soupe. J’ai le loisir d’observer la vie de la salle. Je suis assez ému par l’attitude des femmes de service, toutes pleines d’attention pour les pensionnaires, nouant la serviette autour du cou de celle-ci (serviette propre qui sera bientôt maculée), un mot gentil à l’oreille de celle-là, une fausse réprimande (mais un peu vrai quand même) à celui-là, cela tout en remplissant les assiettes sur le chariot venu de la cuisine voisine, en tenant compte des souhaits, voire des exigences, de chacun. il y a deux entrées proposées, soupe ou risotto. Je suis un privilégié, le seul à avoir une briquette de vin et on me sert plus largement que les pensionnaires. Pour moi, ce sera risotto. Au moment du dessert, le cuisinier qui a terminé son service et s’en va, vient saluer les pensionnaires. Il me semble que cela fait partie du rite. A la fin du repas, les pensionnaires quittent la salle, ceux qui en ont besoin accompagnés par les aides-soignants, deux commis, en tenue de secouriste de la Misericordia, emportent la vaisselle sale à la cuisine, en rien de temps tout est remis en ordre. Mon voisin est déjà parti d’un bon pas, un Agecanonix sans canne. Je sors à mon tour, bien nourri.

Evidemment, il m’aurait bien plu d’être à la fête des 10 ans, mais l’expérience aurait été moins marquante et moins émouvante. Encore que …  Je flâne dans le cloître, regarde les vitrines d’objets et de livres anciens, entre dans l’imposante église par la porte latérale ouverte. Puis sors sur le parvis qui domine la Misericordia et la fête finissante. Il fait nuit, le temps est très humide. D’ailleurs, je suis venu dîner avec mes chaussures de marche, assez propres, et non avec mes sandales. J’ajuste mon coupe-vent et gagne mes pénates.

6h45 debout. Petit-déjeuner à 7h30 au couvent. Il pleut encore, les pare-brises des ambulances sont perlés de pluie, les chaussées sont luisantes. La météo est à la pluie pour la journée. Je renonce au chemin qui sera boueux et glissant aujourd’hui et décide de voyager en suivant les routes pour aller à Petrognano.

J’arrive au couvent un peu avant l’heure. Un pensionnaire est déjà là à attendre l’ouverture des portes. Nous sommes les premiers à entrer. Les places sont libres, les pensionnaires s’installent comme ils veulent. Bientôt, un aide-soignant installe devant moi une femme en fauteuil roulant, visiblement sénile, mais qui mange seule un bol de café au lait avec du pain trempé. A la fin du petit-déjeuner, je salue la femme de service qui était déjà là hier, une femme brune, mince, d’environ 45 ans. Je lui témoigne, à elle et pour ses collègues aussi, mon admiration pour leur dévouement et leur disponibilité pour les pensionnaires. Elle me remercie mais trouve leur action naturelle et me propose d’assister à la messe dominicale qui aura lieu à 9h30. Avec la meilleure mauvaise foi, pardonnez-moi l’expression, je lui dis que cela me ferait partir tard sur le chemin, ce dont elle convient aisément.

Retour à la chambre, fermeture du sac, habillement avec pantalon et cape de pluie. Je sors, salue les secouristes qui bavardent devant la Misericordia, et quitte rapidement Borgo par la route par laquelle je suis arrivé hier. Le temps est moche. En choisissant la route, j’allonge le parcours de 7 km mais j’évite le massif boisé qu’emprunte le chemin d’Assise en le contournant. Je fais confiance à Google Maps, je n’ai pas pris d’autres outils de cette nature.



Je longe le Serchio pendant plusieurs kilomètres. La vallée est constellée de petites industries (dont une fabrique de câbles électriques assez imposante) et de commerces. Ces bâtiments utilitaires sont aussi ceux de la périphérie de nos villes. Il y a de la circulation, les bas-côtés des routes italiennes sont souvent médiocres, parfois inexistants. Avant de traverser le Serchio pour aller sur la rive sud, la pluie redouble d’intensité, sans toutefois atteindre celle que j’avais vue de mon hôtel, à Cabanne en Ligurie. Heureusement que je suis bien équipé.


Sur la rive sud, j’atteins bientôt l’entrée de l’autoroute de Lucca. Un entrelacs de routes provinciales et d’autoroute. Prudence. Pas de coups de klaxon, les automobilistes doivent être habitués aux piétons dans ces endroits incongrus pour eux. Il y a bien eu quelques klaxons depuis ce matin, mais amicaux et accompagnés d’un signe de la main. L’entrée de l’autoroute présente un large trottoir tentant puis peu après un tunnel dans la colline, ça ne peut pas être par là. Effectivement, je dois prendre la bretelle, juste avant, qui monte vers moi. Je descends donc, traverse un village et longe à nouveau le Serchio, beaucoup plus calme dans la plaine, pas si loin de son embouchure. Peut-être 2 km entre des maisons assez hautes et virage à gauche sur une petite route d’intérêt local. Il y a moins de maisons, mais ce sont des maisons toscanes traditionnelles, jaunes, aux toits de tuiles romaines peu pentus. de l’autre côté de la route, il y a des cyprès. Ces paysages me sont connus. La pluie cesse enfin. Une photo et allons !


Je suis dans la plaine, avec des maïs, pour un moment, traverse plusieurs villages. Ici, je manque de bousculer, à moins que ce soit l’inverse, un père de famille qui sort d’une maison et bavarde joyeusement avec ses jeunes enfants. Là, il y a une réunion festive devant un bar. Plus loin, une rue résidentielle totalement calme en ce dimanche midi. Au loin, les montagnes avec leurs cimes acérées, j’étais là-haut, Ah, quand même ?! Pas mécontent de lui, le gars.

Puis un panneau routier indique Petrognano à 4 km. A côté, pour la même direction, un autre panneau totalement délavé indique Fattoria Gambaro, c’est mon hébergement. En recoupant des informations, je comprends qu’il a changé de nom et s’appelle maintenant Fattoria di Petrognano. (La fattoria est une exploitation agricole.) La route monte bien, Petrognano est agrippé au sud de la colline boisée que j’ai contournée.

Je longe un muret de pierres surmonté d’une haie qui aboutit à une grande villa toscane. Seuls, un cyprès et un pin parasol dépassent de la clôture. Je passe devant le portail ouvert de la propriété, jette un oeil. Sur la terrasse couverte d’un toit de tuiles romaines, une jeune femme, confortablement installée, lit paisiblement. Que lit-elle ? Elle fait face au très beau jardin de parterres de pelouse et de fleurs, avec des allées de pierres blanches et de grands arbres.

Une belle image de la douceur de vivre en Italie. Au moins pour les gens aisés ou fortunés.
Je dépasse la maison et poursuit la montée qui durera une heure. La route est maintenant en balcon et serpente au gré de la colline. La pluie revient et, maintenant, le brouillard. Des gens nettoient un terrain, et ont malgré tout réussi à allumer un feu pour y brûler herbes et branches. La fumée s’ajoutant au brouillard, je ne vois pas à plus de deux mètres mais entre quand même sans difficulté dans Petrognano, Sur ma droite, il y a un château du XVIIIè siècle qui domine le coteau, la plaine et les collines qui semblent ne pas avoir de fin. Juste en face, de l’autre côté de la rue, un corps de bâtiments anciens en U avec une courette. Un panneau de bois peint indique Fattoria de Petrognano avec un flèche qui vise une porte ouverte.

Je toque, franchis le seuil. Personne. Je suis dans une petite pièce pour l'accueil des visiteurs, devant moi deux pièces en enfilades. Dans celle du fond, je reconnais un moulin à huile moderne pour les olives. J’appelle, rien. Je sors, dans la cour, il y a une autre porte, vitrée, et derrière, les lumières sont allumées. Je frappe. Une voix puissante m’invite à entrer, je me présente : « C’est Michel ! Viens t’asseoir à la table. » Il est 15h30, c’est la fin du repas dominical, il y avait quatre convives mais trois personnes sont dans la grande pièce. Je prends place. L’homme à la voix forte me fait apporter un verre et me sert un reste de vin rouge sur la table. « C’est un vin de la propriété. »  Il est très bon, ma foi. Cela me change de la bière.

Pendant que nous faisons plus ample connaissance, un femme entre, tout sourire et même tout rire. Elle parle remarquablement le français avec un accent italien. Après ce moment de repos, elle me conduit à ma chambre, nous traversons une autre petite cour, fermée celle-là, puis m’installe au rez-de-chaussée de ce nouveau bâtiment de logements. Rendez-vous à 19h30 pour le dîner dans la salle de tout à l’heure.

Je commence par grignoter mes provisions, je n’ai pas déjeuné, le vin, très bon, nécessite un peu de nourriture solide. Je perçois de légers bruits dans le bâtiment, je ne suis pas le seul locataire.
A l’heure convenue, je me présente à la salle de restaurant. Je comprends que l’homme qui m’a offert le vin n’est pas le patron mais le cuisinier. La patronne est la dame au large sourire et au rire sonore. Il y a là, déjà attablés, quatre Français, deux frères et leurs épouses, mes voisins de chambre. Seule une des épouses parle très bien italien, les autres pas du tout. Le plus jeune frère ne connait qu’un mot à échanger avec la serveuse : ok, ok, ok. Leur embarras avec la carte du menu m’amuse un peu, oui bon, mais tout s’arrange avec l’interprète. J’apprendrai qu’ils ont rendu visite à la famille de l’épouse de l’aîné dans le nord de l’Italie et qu’ils -pas l’ltalo-française- découvrent la Toscane avant de s’en retourner chez eux à La Rochelle.

Je fais un très bon dîner, antipasti, pasta, carne, dolci accompagné du vin de l’après-midi. Quelques échanges avec mes voisins, le personnel et notre hôtesse et il n’y a plus qu’à aller dormir. Je traverse la cour fermée sous une pluie  battante, la météo est mauvaise pour la nuit et la journée de demain. Dormir d’abord, j’aviserai ensuite.

Au réveil, il pleut toujours autant, la poisse, mais la météo annonce une accalmie dans les deux heures à venir.
Nous prenons, les Rochelais et moi, le petit-déjeuner dans une petite salle confortable sans avoir à sortir. Tout est à disposition et une employée est à notre service si besoin. Mes voisins sont bientôt prêts à partir, la pluie à moins d’importance quand on voyage en voiture. A près de 9h30, la pluie est fortement calmée. Je règle la note à l’accueil puis au moment de partir, l’hôtesse me propose de visiter la propriété. Nous commençons par le chai, où un vigneron travaille, et le moulin à huile que j’avais aperçus la veille. Belles installations modernes. Puis nous traversons la rue pour nous rendre au château. D’abord une cour de graviers puis nous traversons le rez-de-chaussée du château avec peu de meubles qui sont en harmonie avec la maison. Nous sommes dans un jardin à plusieurs plans à flanc de la colline, avec des pelouses, des parterres de fleurs et de rosiers, une grande piscine en contrebas. « Il y a beaucoup de monde pendant les vacances l’été ici »  me dit-elle avec une pointe de fierté légitime.



Et depuis le balcon, une vue somptueuse sur la vallée, la plaine et « mes » collines de Toscane, c’est là-bas que je vais, je comprends que j’en ai fini avec la montagne. Sous le balcon et jusqu’au fond de la vallée, il y a des champs d’oliviers et des vignes. Tout cela fait partie du domaine. Mazette ! Après la visite, je reçois une plaquette de la Fattoria di Petrognano où je lis que le château était celui des comtes Gambaro.

Mon hôtesse est-elle comtesse ? C’est possible.
Je renouvelle chaleureusement mes remerciements puis enfile la cape et en avant.

La pluie a quasiment cessé, mais j’irai une nouvelle fois par la route, tout est mouillé et le temps reste incertain. Peu d’effort aujourd’hui, descente dans la vallée puis du plat pour aller à Vione à 20 km. La route serpente dans la colline. Pas de voitures, de rares sportifs qui courent et puis les paysages ! Cette fois, j’y suis, dans la Toscane des collines, des oliviers, des vignes, des cyprès, des pins parasols, des chênes et des maisons jaunes aux toits peu pentus. Puis voilà la plaine agricole avant de retrouver plus tard d’autres collines. Le temps s’améliore en début d’après midi, j’ôte la cape. Des hameaux, des fermes isolées, puis voilà Vione, un gros village. Mais l’agriturismo est à 2 km plus loin, continuons, c’est le milieu d’après-midi.

La Fattoria Settepassi est une grosse ferme isolée au bord d’une route très droite et très plate. J’ai une heure d’avance, les propriétaires sont sans doute absents. Il y a là une bande de jeunes gens. Je me présente mais ne suscite qu’une morne indifférence et pas de réponse. Puis je croise un trentenaire avec sa petite fille d’environ 5 ans. Je renouvelle, il fait des efforts pour rassembler ses souvenirs scolaires de français et m’explique qu’ils sont Anglais, qu’ils ont fêté un mariage ici pendant le week end (nous sommes lundi) et que les propriétaires ne devraient pas tarder à arriver. Je le remercie et m’installe dans un coin de la cour, au soleil qui est bien revenu, et où je prends mes aises notamment en ôtant mes chaussures.

La propriétaire arrive, pour un peu, elle me reprocherait d’avoir anticipé mon arrivée -quelle journée a-t-elle passée ? -, me rappelle qu’il n’y a pas de dîner, me donne la clé et m’indique le chemin de la chambre. Deux étages à monter, j’ai un appartement pour quatre, sans cuisine. Pour dîner, j’ai ce qu’il faut dans le sac, des fruits et aussi un plat lyophilisé depuis le début du voyage. La préparation consiste à 1-mettre de l’eau bouillante dans la poche du produit jusqu’au trait, 2-mélanger à la fourchette, 3-fermer le sac et attendre 5 minutes, 4-re-mélanger puis déguster. Je n’ai pas de quoi faire bouillir de l’eau. Qu’à cela ne tienne, je mettrai de l’eau chaude du lavabo. Hum, l’eau n’est pas bouillante, tout au plus 60°. J’exécute. La brandade de morue ainsi reconstituée est goûteuse et acceptable. Je dois remettre de l’eau une nouvelle fois car le mélange a été incomplet. A la fin, je n’ai plus faim. Les dîners se suivent et ne se ressemblent pas.

Au petit-déjeuner, je retrouve la bande d’Anglais, le papa me salue en français. La patronne est souriante. Le petit-déjeuner est superbe et compense bien le dîner succinct d’hier. Je règle le dû puis reprend la route, le coeur et l’esprit légers, il fait beau et je vais voir mes copains, Yves et Fabienne.





Nous avons rendez-vous à Fuccechio pour déjeuner, la ville est à 2/3 du parcours du jour, je devrais y être peu après midi. Je poursuis sur la route par laquelle je suis arrivé hier et je l’abandonnerai bientôt pour monter sur des collines par des sentiers. Je suis vraiment dans les paysages que je connaissais, et étais sans savoir que ceux de la Toscane sont beaucoup plus diversifiés, et je me régale sans fin. Des dizaines d’années à rêver ce voyage dont je sens qu’il se termine. Drôle de sensations mêlées à la fois de plaisir, de satisfaction et aussi de déception de sentir l’achèvement prochain d’un vieux rêve réalisé.



Je redescends des collines et voilà à nouveau la plaine, celle de Fuccechio. Je suis sur une route longue et passante, attention aux voitures et aux camions. Le soleil est déjà haut, il fait chaud. Voilà le faubourg de Fuccechio, des petites industries puis les maisons. Je repère avec Google Maps une grande place ronde droit devant, j’y vais. La ville est agréable, spacieuse. Le téléphone sonne, Yves et Fabienne sont sur les hauteurs dans le centre historique, comme ils sont motorisés, ils me rejoignent. La place a en son centre un obélisque commémoratif et est un immense parking. A l’angle de la rue par laquelle je suis arrivé, il y a une belle pizzeria-gelataria. Parfait. Je me repose sur un banc et n’attends pas.





Voilà mes amis. Il y a longtemps que nous nous sommes vus mais nous nous retrouvons, comme toujours avec les vrais amis, comme si nous nous étions quittés la veille. Embrassades, bonheur d’être ensemble de façon aussi fortuite. Très vite, eux qui me connaissent bien aussi, me font part de leur étonnement et de leur admiration pour mon entreprise. Allez, une table sous la véranda, qui a un store heureusement. Nous commandons des parts de pizza et des bières au comptoir puis nous y retournerons pour les glaces et le café. Nous parlons de nos voyages, de leur découverte de la Toscane qu’ils aiment déjà beaucoup. Je sais leur goût pour la vie et la culture italiennes, notamment le cinéma. Yves connait le petit tracteur de la photo, à employer avec prudence, c’est un peu dangereux, dit-il. Nous prenons des nouvelles de nos proches. Leur dernière petite-fille a quatre ans, nous étions ensemble lorsqu’ils avaient appris sa naissance. Nous parlons aussi de l’autre Yves, le frère de Fabienne, mon copain depuis l’enfance, nous nous connaissons depuis le 14 septembre 1966, jour de notre entrée en classe de 6è.
Nous demandons à une voisine de table d’immortaliser le moment avec nos smartphones. Une jeune randonneuse me demande de surveiller son sac pendant qu’elle s’absente quelques instants. Solidarité des voyageurs à pied.





Ce moment merveilleux a une fin. Yves et Fabienne veulent visiter Lucca et j’ai encore deux heures de marche. Je les accompagnent à leur voiture. Dernières photos du randonneur en grande tenue. Au revoir les amis. Bonne fin de séjour à vous. Bonne fin de voyage à toi. Nous nous reverrons, bien évidemment. 

Je sors de Fuccechio par le sud, direction san Miniato. Il y a du soleil, mon pas est léger.
Je voulais loger à San Miniato Alto, la ville historique que je connais, mais n’ai pas trouvé d’hébergement disponible, je vais donc à San Miniato Basso où j’en ai trouvé un à la Fraternita di Misericordia. 45 minutes de marche sont donc reportées au lendemain. J’arrive sans encombre à San Miniato. Une habitante de la ville me renseigne spontanément sur le chemin que je dois prendre. Voilà le centre de secours, plus petit que celui de Borgo a Mozzano.

Je m’installe dans le minuscule dortoir où nous sommes trois, Pietro, un milanais à peine plus jeune que moi qui termine là son voyage pédestre car il doit reprendre le travail -il compte poursuivre en octobre, si le temps le permet- et la randonneuse de Fuccechio. Elle est très discrète, s’appelle Chiara et doit avoir 25 ans. Elle voyage seule et je perçois dans son regard et son attitude, un fonds de tristesse. Qui est-elle ? Nous attendons l’heure du dîner à l’extérieur, il y a là des jeux pour enfants. Un petit homme de 2 ans passe devant nous, il porte un tee-shirt bleu ciel avec écrit en grands caractères blanc : « A casa commando io ! » (A la maison, c’est moi qui commande.) Je m’en amuse avec sa maman ou sa nounou. Je parle des merveilles de la Toscane avec Pietro. Il me dit qu’il y a aussi la Fiorentina, le club de football de Florence, dont il est un fervent partisan. Je n’avais pas pensé à voir la Toscane à travers le prisme du football. Je tente de lui parler de rugby et de Sergio Parisse, le grand capitaine de l’équipe d'Italie, mais il ne connait pas. Nous proposons à Chiara de venir dîner avec nous en ville. Elle décline.

Nous voilà donc bientôt tous deux dans un restaurant, c’est le début du service, la salle est presque vide mais sera bientôt remplie, nous ne nous sommes pas trompés. Pietro et moi commandons le même repas, pizza aux fruits de mer et dessert au chocolat, accompagné d’eau pétillante (l’acqua frizzante) et d’un peu de vin rouge. puis je commande deux cafés. Pietro fait une moue admirative et lève le pouce. Ma prononciation de « due caffè, per favore » devait être parfaite. Retour au dortoir, Chiara est déjà couchée, elle nous avait dit vouloir partir tôt le lendemain matin. Nous nous couchons à la lueur de nos lampes frontales.

A bientôt. Dans trois jours, je serai Greve-in-Chianti, terme de mon voyage.





Je me réveille avec le peu de bruit que fait la discrète Chiara déjà levée, il n’est pas 7h. La voilà bientôt prête, Pietro est réveillé aussi. Un simple au revoir et elle disparaît, il est 7h15. Je suis le prochain à quitter le dortoir peu après 8h, Pietro prendra le train dans la matinée pour retourner à Milan. Adieux sympathiques. Ravi de vous avoir connu.

        Première préoccupation, le petit-déjeuner dans un bar près du restaurant d’hier soir. Les habitués et les parieurs sont là, la télé montre des jeux d’argent et fait du bruit, des anciens attablés, une tasse à café devant eux, lisent le journal. Je pose le sac et m’installe avec café et viennoiserie. Aujourd’hui, je serai sur le Chemin d’Assise pour la dernière fois, jusqu’à Gambassi Terme à 27 km.

        Première étape proche : San Miniato Alto, il fait gris et très humide mais il ne pleut pas. 


San Miniato Alto 

San Miniato Alto 

San Miniato Alto - Il Palazzo del Seminario


J’ai plaisir à retrouver cette petite ville médiévale perchée avec son château à la haute tour, ses rues étroites, le Palazzo del Seminario avec sa belle façade rouge et beige décorée de médaillons, etc …

        Bientôt, je quitte la ville par le sud, retour dans la campagne, les collines. Je crois que ce qui me touche dans ces paysages de territoires agricoles, outre la douceur des collines, est l’harmonie créée par l’homme depuis trois millénaires entre la culture de la vigne et des oliviers, les bois de chênes, les pins parasols et les cyprès. Ces derniers invitent, selon moi, à l’élévation de l’esprit. Je ne me lasse jamais de ces paysages toscans.

        Soudain, un panneau indicateur me parle, direction Castelfiorentino, nous étions venus en vacances ici, il y a une vingtaine d’années, ma petite famille et moi, dans un agriturismo. De là, nous prenions souvent le train pour aller visiter Florence. Mais je ne vais pas à Castelfiorentino aujourd’hui.

        Le Chemin d’Assise est commun ici avec la Via Francigena. Je rencontre quelques pèlerins-randonneurs dont un couple d’Australiens. Lui parle un peu l’italien, je fais des efforts en anglais, on se débrouille. Puis nous nous séparons, je ne sais plus comment.

        Sur le large chemin de terre, je trouve sur le bord une boîte de secours destinées aux randonneurs. Elle contient des comprimés d’aspirine, des sparadraps, du désinfectant et des messages de recommandation ou de nature religieuse.


Via Francigena et Chemin d’Assise

Chemin et collines entre San Miniato et Gambassi Terme


        Le paysage a changé, à droite des terres labourées avec des sillons de 50 cm de profondeur, quels socs ont fait ça ? A gauche une butte couverte d’herbes sèches, le tout battu par les vents où je crois percevoir des odeurs marines.

        Puis je traverse un hameau abandonné. Tiens ! Sur les marches d’un perron, Chiara est assise et téléphone, je lui souris en passant sur le chemin qui descend jusqu’à la route. Arrivé, il y a une table en bois avant deux bancs agrippés aux pieds. C’est l’heure du déjeuner, la pause s’impose. Des randonneurs débouchent du chemin, les Australiens me rejoignent. Nous repartons et nous séparons à nouveau.

        Plus loin, le chemin traverse une route, il y a là un groupe de jeunes gens. Chiara est avec eux, souriante, je me dis qu’elle a retrouvé ses copains. Puis le chemin monte à nouveau, passe entre les vignes et les oliviers en approchant de Gambassi. Je vais à l’Ostello Sigerico qui se trouve avant la ville. L’ostello est plus simple qu’un hôtel, c’est un hébergement plus ou moins collectif et très bon marché, comparable à nos auberges de jeunesse.
Entre vignes et oliviers, en arrivant à Gambassi Terme

En quittant l’Ostello Sigerico, au fond Gambassi Terme

        L’Ostello Sigerico est un ancien établissement religieux, une lourde église qu’il faut contourner pour entrer dans une grande cour formée de plusieurs bâtiments, attenants ou non à l’église, et ouvrant à gauche sur un jardin ou plutôt une grande pelouse avec des arbres fruitiers. L’accueil est au fond de la cour. Ici, c’est l’usine à randonneurs, les randonneurs-pèlerins, sac au dos, arrivent quasiment en continu. Il est 16 heures passées, il y a deux personnes avant moi et il faudra 40 minutes avant qu’on me conduise au dortoir.
    
    A l’accueil, il n’y a qu’une personne, un jeune homme de trente ans environ qui déroule une procédure bien rodée avec chacun : demande d’une pièce d’identité, annonce du coût de la nuitée, faut-il ajouter le dîner ? émission manuscrite d’une facture, encaissement de la note, puis l’accueilli et l’accueillant sortent dans la cour où le trentenaire pulvérise abondamment un produit sur le sac à dos et l’enferme dans un grand sac poubelle avec interdiction de le sortir avant le lendemain matin. La maison craint les punaises de lit, j’espère ne pas en attraper, je n’en ai pas eu jusque là. Puis conduite du randonneur au dortoir, avec présentation, au passage, des bacs à lessive et des étendages disponibles. Et le garçon de l’accueil répète cela inlassablement dans toutes les langues avec une aisance étonnante.

        A mon tour, je commande le repas et en sortant, Chiara est là, seule, puis voilà les Australiens qui me paraissent fatigués. Ceci dit, je ne me vois pas mais ne sens pas trop la fatigue. Il y a là beaucoup de dortoirs, pour les femmes, pour les hommes, des logements pour les couples. Parmi nous, un couple voyage avec son bébé de neuf ou dix mois.
       
 Je suis dans un petit dortoir à cinq lits, et comme il est déjà tard, j’ai le dernier lit qui est en hauteur, moi, le gars de la plaine qui préfèrerais être en bas. Tout est impeccable, les lits superposés, les matelas recouverts d’un drap intissé jetable, les couvertures. Il y a là quatre gaillards qui ont autour de la cinquantaine, trois amis venants de Piacenza, près de Crémone, le quatrième venant de la même région et rencontré sur le chemin.

        Je reconnais immédiatement l’atmosphère de la pièce, détendue et blagueuse, comme lors de nos séjours avec le Rando Club Yerrois. Le courant passe immédiatement.  Mon voisin de dessous, dispose d’une table de nuit et d’une prise de courant, j’y branche mes appareils, il reste une prise disponible sur ma prise triple. Ce voisin de lit me demande si son ami peut y brancher son smartphone, « Oui, bien sûr, nous allons partager ». Ils ne parlent pas bien français, mais le mot plait au demandeur et voilà qu’il répète à voix forte : partager, partager, partager !

        Une fois installé et le téléphone passablement chargé, je vais dans le jardin. Les randonneurs au repos vont et viennent, bavardent, étendent leur linge. Il est tard, ma lessive peut attendre et je dois trouver un hébergement pour demain et pour après-demain, le dernier.

        J'avais repéré un hôtel à Barberino Val d’Elsa. Pas de chance, il est complet mais on m’indique un autre lieu. Là, on me fait comprendre que l’endroit n’est pas adapté à mon besoin, les chambres sont grandes -peut-être préfère-t-on recevoir des couples, adultères ou non ? - mais on me renvoie vers Le Querciole (Les Chênes), un agriturismo voisin. Là c’est bon, la nuit est un peu chère mais moins que chez le précédent qui m’a refusé. Allez, le dernier à Greve-in-Chianti, j’avais aussi, avant mon départ, sélectionné le petit hôtel familial Casa al Sole (La Maison au Soleil), c’est bon, je réserve pour quatre nuits, je ne veux pas rentrer chez nous sitôt arrivé et profiter encore de mon voyage. Je tiens à me reposer à Greve, destination qui étonne l’hôtelière :
« - A pied, ah bon ! Et pourquoi Greve ? Me demande-t-elle.
- Je voulais venir en Toscane et ne voulais pas arriver dans un grand centre touristique mais entre Florence et Sienne, alors j’ai pris la carte, regardé sur internet et j’ai choisi Greve.
- Très bien à vendredi alors, nous serons le vendredi 27 septembre. »
Greve n’est pas un lieu de passage des randonneurs.

        C’est l’heure du dîner, les pèlerins et randonneurs affluent vers le bâtiment d’accueil où se trouvent les salles de service. Le petit réfectoire a quatre ou cinq tables, chacune avec un banc de chaque côté, dix couverts par table. Il règne une ambiance de cantine scolaire, bruyante et joyeuse. Je suis au bout du rang, à ma gauche un italien jovial et bavard -peut-être un pléonasme-, quarantenaire, tous les autres n’ont sans doute pas plus de 30 ans. A l’autre bout du banc, il y a Chiara, toujours discrète, en face d’elle, une très jolie brunette. En face de moi, un jeune couple qui voyage avec son cocker. Entre eux et la brunette, un autre jeune couple. Tous sont Italiens. La conversation va bon train :
« - D’où venez-vous ?
- Si loin ! Nous, nous marchons une dizaine de jours. Nous habitons Alba dans le Piémont, vous êtes passé près de chez nous » dit le couple au cocker. De temps en temps, la brunette me traduit des mots de la conversation en français à travers la table. Je la remercie d’un signe de tête, j’en suis content et aussi de comprendre assez bien ce qu’il se dit et de participer. En attendant d’être servi, nous goûtons le vin qui est sur la table, il est bien, sans doute un régional, nous sommes dans l’appellation Valvirginio. Le repas, salade composée, lasagnes et fruits est tout à fait bien. Décidément, la cuisine est bonne en Italie, y compris pour les repas simples et collectifs.

        A la fin du dîner, les convives disparaissent rapidement, seule la brunette reste à la table, je m’installe en face d’elle à la place de Chiara. Elle a envie de parler français et maîtrise remarquablement notre langue. Elle me dit qu’elle a été étudiante en sciences politiques à Bordeaux pendant deux ans, qu’elle a eu du mal à se loger en tant qu’étudiante étrangère et garde de son séjour en France un souvenir mitigé. Maintenant, elle se reconvertit et se prépare à devenir infirmière. Je la complimente pour son parcours et l’encourage pour son avenir. Comme Chiara, elle a un voile de tristesse dans le regard et voyage seule. Une bien jolie rencontre.

        Il fait nuit, l’air est doux, les randonneurs flânent dans la cour. On parle ici bien des langues, l’italien, l’anglais, l’allemand, l’espagnol, le français et d’autres encore sans doute. J’engage la conversation avec un couple de français qui se rend à Sienne à la découverture de l’architecture de la ville. Etes-vous architecte ? Non, dit la dame, j’étais professeur d’arts appliqués à Paris à l’école Duperré. Coïncidence ma fille Estelle y était élève quand elle enseignait. Finalement, je comprendrai plus tard qu’elles ne se connaissent pas. La dame est ravie d’apprendre qu'Estelle est devenue et est toujours scénographe, dans la continuité de ses études d’art.

        Il est temps d’aller dormir, nous avons tous une nouvelle journée de marche demain. Mes compagnons de dortoir sont déjà allongés, nous convenons d’une heure de lever, un peu plutôt pour eux que pour moi, de toute façon, ce sera le défilé dans la salle d’eau commune à plusieurs chambres. Je grimpe dans mon lit qui grince, il n’y a pas de protection sur les côtés. Bonne nuit.


        7 heures, je me réveille, je ne suis pas tombé du lit, mes voisins s’affairent déjà. Bavardages, bonne humeur. Ils ferment leurs sacs, au revoir de randonneurs, ils disparaissent et se rendent au petit-déjeuner. Je prends mon temps, première tentative à la salle d’eau infructueuse. Je vais bientôt à mon tour prendre le petit-déjeuner. Des randonneurs sont déjà partis, mais nous sommes encore nombreux à nous restaurer, il y a là le couple avec son bébé. La compote donnée à la cuiller passe bien, je pense à mon petit Erwan, et très souvent aussi le matin au départ de la marche, je pense à mon petit-fils.
        Dans la salle, tout est à disposition, les viennoiseries et les pâtisseries ont une grande importance dans les petits déjeuners italiens. Plus sobrement, il y a aussi des biscottes empaquetées par deux.

        Voilà mon voisin du lit du dessous, il a besoin de la clé du dortoir, il a oublié son pendentif, le tau de Saint-François qu’il porte autour du cou. Puis, le revoilà qui m’apporte la clé avec trop de remerciements. Derniers saluts à la compagnie, je retourne fermer mon sac et en route.

Collines, entre Gambassi Terme et Certaldo

Entrée dans le secteur des grands domaines viticoles

        Je repasse devant l’église, devant moi Gambassi Terme dont je ne verrai pas le centre. C’est ici que je quitte le Chemin d’Assise et la Via Francigena, j’ai la carte détaillée avec les chemins de randonnée jusqu’à Greve. Première étape, Certaldo par la route, le chemin marqué randonnée cycliste est quand même beaucoup plus long. Il fait gris et frais ce matin. Je monte vers Gambassi puis bifurque à gauche vers Certaldo. La route est large avec des trottoirs, il y a peu de circulation. Elle serpente, sort de la ville, voilà les collines et de belles propriétés. Puis voilà Certaldo, ville natale de Boccace, au fond de la vallée de l’Elsa, au bout d’une longue ligne droite en descente.

        Je viens d’être dépassé par une magnifique 2 CV Charleston immatriculée à Florence (c’est la circonscription administrative d’ici), vintage comme son conducteur qui porte la casquette alors que la voiture n’est pas découverte.

        J’entre dans Certaldo, franchis l’Elsa, ma préoccupation est de trouver une alimentari pour me ravitailler une dernière fois, Le Querciole ne font pas de dîner et le premier restaurant sera à 5 km. Avec mon téléphone, j’en repère une presque sur mon chemin. La boutique est petite mais a un rayon charcuterie et fromage à la coupe. En sortant, je m’installe sur la table devant la vitrine pour choisir la suite du parcours.

        J’irai par la route, depuis Gambassi Terme la journée fera 30 km et serait plus longue encore par les chemins. Au revoir Certaldo, je pars sur la route régionale qui longe, peu ou prou, l’Elsa. J’y trouverai, au milieu, un tas de plumes informe et plus loin, sur le côté, le corps intact d’un chat à qui il manque la tête. Heureusement, je ne suis pas superstitieux.
       
 Cette partie de la vallée de l’Elsa jusqu’à Poggibonsi, est très industrieuse et sans beaucoup de charme. Je sens bien que je suis à l’écart des grandes voies pédestres, les automobilistes sont pressés, peu soucieux du randonneur et très souvent téléphonent en conduisant. Et je constate parfois que les panneaux routiers sont purement décoratifs.
        Poggibonsi est une ville industrielle importante de la Toscane, elle est située à l’est de San Gimignano que je ne traverserai pas cette fois. Je connais déjà ces deux villes. J’entre dans la périphérie de Poggibonsi et bifurque bientôt, pour la route qui me conduit à Campomaggio.

        C’est une route à grande circulation, le trafic est incessant, des voitures, des camions, le bas-côté est ce qu’il est, prudence. J’arrive en vue de Campomaggio, et dois traverser un énorme rond-point routier avec des rambardes métalliques et sans bas-côté et je ne vois pas d’alternative. Aïe ! Décidément, Google Maps n’est pas le bon outil pour voyager à pied, même si le trajet est demandé pour un piéton. Il n’aurait pas dû m’envoyer ici. 

J’attends une accalmie de la circulation qui ne vient pas. Je m’engage sur le rond-point en faisant des gestes de la main pour me signaler et apaiser les conducteurs. C’est un peu long mais ça va. J’en sors par une épingle à cheveux entre la grande route et une toute petite route tout à fait calme. L’épreuve que je n’attendais pas est passée.

        La petite route, après un grand virage, monte sur la colline en longeant l’autoroute. A mi-côte, il y a un carabinier, à l’abri d’arbustes, qui flashe les véhicules trop rapides. Je continue, il fait beau et pas trop chaud. Voilà le passage sous l’autoroute.

        De l’autre côté, j’entre dans un nouvel univers, celui des grands domaines viticoles, aux maisons cossues, aux vignes sans fin parfaitement entretenues. J’espère que cela n’a rien à voir avec le village de Monsanto que je traverserai tout à l’heure. Les paysages sont somptueux, je vois là la nature maîtrisée et exploitée. Les vendanges sont à venir. Les vignes sont fermées par des grillages à grosse maille carrée, un large chemin de terre précède les rangs de ceps parfaitement droits et parallèles, pas une mauvaise herbe dans ces rangs.

Collines près de Monsanto

Près de Monsanto

Vignes, en approchant des Querciole

        La route est agréable. Devant un corps de bâtiments agricoles, elle tourne à gauche, et là, c’est une autre histoire, ça monte bien. Le Querciole sont perchés sur la colline. Voilà Monsanto, un village très cossu. Devant un haut mur de pierres, un ouvrier indolent s’affaire à nettoyer les abords de la propriété à mon approche et il me salue comme si j’étais un maître. Ici c’est l’opulence et le luxe des grands domaines agricoles.

        Je sors de Monsanto, ça monte toujours, les vignes sont si imposantes que les poteaux, au bout des longs rangs de ceps, portent des numéros qui vont au delà de 60.

        Et maintenant Monsanto Secondo, plus petit mais qui n’a rien à envier au premier. J’y rencontre un promeneur belge bavard. Nous allons ensemble, il est en vacances mais n’est pas venu à pied ici, il doit être un peu plus âgé que moi, nous avons fait le même métier et il me détaille les techniques des premiers ordinateurs dans les entreprises. Nous approchons d’une ferme où les tracteurs vont et viennent chargés de grappes de raisin. Les vendanges ont commencé. Mon compagnon me quitte là, il doit rejoindre son épouse qui l’attend.

        Allez, je suis sur le plateau, c’est plus facile. Bientôt, sur ma gauche, une flèche en bois indique Le Querciole. Je m’engage dans le chemin pierreux qui traverse un bois et débouche sur une petite crête de collines, et devant moi, une maison massive isolée. Je m’approche, deux femmes jardinent, présentations, c’est bien là que je suis attendu.

Vue de ma chambre des Querciole, le matin

Le Querciole, les points blancs en plein centre de la photo sont les tours de San Gimignano

Domaine viticole

        Le lieu est une ancienne ferme du XVIIè siècle, aux murs épais, aujourd’hui dédiée au tourisme. La maison en U présente une cour ouverte sur le chemin avec un ancien puits et sur la gauche, une grande terrasse herbeuse qui donne sur les collines. On me conduit à ma chambre par là. Sur une balancelle, un jeune couple se prélasse, ce sont des Tchèques, et plus loin, à l’écart, Stéphane, un belge lui aussi, personnage haut en couleurs.

        De l’autre côté du vallon, je reconnais le dernier bâtiment que j’ai longé avant de prendre le chemin de pierres. A droite de la terrasse, tout au loin, on me montre les tours de San Gimignano. Voilà, je suis dans la chambre, elle est très confortable, avec une porte fenêtre et une fenêtre qui donnent sur les collines, une salle d’eau, un coin cuisine et un lit double moelleux. Parfait. Dans le frigo deux bières Moretti et des jus de fruits en libre service. Je me rafraîchis puis sors avec une bière en main, sur la terrasse. Boire une bière au pays du vin ! Etonnant, non ? Le lieu est parfait pour le repos de l’amoureux de la Toscane que je suis : vue sur les collines et un peu sur San Gimignano, calme absolu, lumière de fin d’après-midi.

        Je ne tarde pas à faire la connaissance de Stéphane. Lui aussi a été séduit par le lieu, il vient ici chaque été depuis quinze ans et s’est lié d’amitié avec les propriétaires. Stéphane est un autodidacte passionné d’histoire, entre autres choses, et l’Italie s’est imposée à lui naturellement.

        Je vais chercher ma carte pour visualiser le chemin que j’aurai à parcourir demain, le dernier de mon voyage. Très vite, Stéphane me conduit à la tonnelle qu’il a construite avec les propriétaires et qui a l’éclairage, il fait presque nuit. Nous ouvrons la carte détaillée sur la table, Stéphane me prodigue ses remarques et conseils puis me propose un verre de vin. Il a un Montepulciano dans sa chambre. Le voilà qui revient bientôt avec une bouteille et deux verres. Nous bavardons, le moment est sympathique.

        Stéphane me dit avoir un aïeul compositeur de musique, sa famille et lui ont été surpris de découvrir que ses oeuvres sont jouées au Japon. Il me fait écouter, sur son téléphone, une oeuvre composée après la première guerre mondiale. Cela m’évoque la musique de Sibelius. Il en convient. Il me montre également des photos de maquettes qu’il construit, une autre de ses passions, dont l’arrivée dans une gare de Louis II de Bavière, qui a fait évènement en son temps, et d’un voilier télécommandé avec lequel il concourt un peu partout en Europe. Stéphane porte bien la cinquantaine et vit seul par choix. L’heure avance, il me propose d’aller dîner avec lui au restaurant, je refuse, je suis bien ici au calme et je n’ai plus envie de bouger après ma journée de marche. Nous nous séparons, je rentre dîner dans mon coin cuisine puis extinction des feux.


        Aujourd’hui  vendredi 27 septembre 2019 est un grand jour, c’est le dernier de mon long voyage.

        Je suis le premier au petit-déjeuner, la salle est à l’étage en passant par la cour. Je parle italien avec l’hôtesse. A nouveau, le petit-déjeuner sera très bien. Les autres résidents arrivent quand je suis attablé à la seule grande table. Nous sommes dix, Stéphane arrive le dernier. Il y a quatre couples, -un suisse francophone, un australien, un italien et les jeunes tchèques qui parlent anglais- et aux deux bouts de la table, Stéphane et moi. Les paroles matinales s’échangent en tous sens. Stéphane parle à ceux-là en anglais, entend simultanément la question de l’hôtesse en italien, dès qu’il a fini avec les premiers répond à l’hôtesse en italien puis s’adresse en français aux Suisses ou à moi et ainsi de suite, cela avec une aisance désarmante. J’ai beau savoir qu’il parle au moins cinq langues et est traducteur, j’en suis ébahi.

        Le petit-déjeuner se termine, chacun part vers ses occupations estivales ou touristiques, je règle la note dans la pièce d’à côté et descend prendre mes affaires dans la chambre. Un coup d’oeil aux tours de San Gimignano et au paysage alentour et me voilà sur la margelle du puits à lacer mes chaussures. Je souhaite une bonne fin de séjour en Toscane aux jeunes Tchèques, je salue les hôtesses. Stéphane est là qui tient à me saluer, s’étonne encore de mon voyage, m’encourage pour la journée à venir, parle à nouveau des sangliers omniprésents du bois voisin qui viennent jusqu’au portail la nuit et le gênent pour dormir par leurs grognements. Je le remercie, il me presse de partir, le soleil est déjà haut. J’en oublie de prendre la photo des Querciole. Tant pis, on peut la trouver sur internet. En route !

        Je reprends le chemin pierreux, traverse le bois sans apercevoir de sangliers et prends la route dans la continuité d’hier. Quelques centaines de mètres plus loin, une voiture ralentit à ma hauteur, la vitre se baisse, ce sont les Suisses, lui jovial me félicite et m’encourage, ils continuent leur voyage touristique et vont vers un autre agriturismo. Adieu.
        Il fait beau, l’approche du but me donne des ailes, les vignes sont là, et les collines, mais j’en ai peut-être déjà parlé. J’ai le parcours global dans la tête et fais confiance à Google pour le détail. Je suis si confiant, qu’au carrefour, je prends la route provinciale dans le mauvais sens. Au bout d’un moment, j’ai un doute, ayant un peu la carte de la région dans la tête, les panneaux indiquent des destinations qui ne me vont pas. Vérification et demi-tour, 2,5 km inutiles, pas tant que ça la route est belle, la campagne aussi. Revoilà le carrefour, je poursuis tout droit vers Madonna di Pietracupa, un hameau avec une belle église.

        Un panneau routier indique pour la première fois la direction de Greve in Chianti. Mais je ne vais pas par-là, je poursuis jusqu’à San Donato, le bourg voisin et bifurque dans les vignes puis dans un bois avec un long et large chemin. Cette fois, Google a bien fait. Dans le bois, je trouve un kiosque avec une table ronde et des bancs fixes (idéal pour nos randonnées du mercredi ou du dimanche, mais c’est un peu loin). Comme c’est l’heure du déjeuner, je m’y arrête.
Près de San Donato

Strada bianca

J’approche

        Je reprends le large chemin en forêt qui descend et débouche sur des prairies, traverse un cours d’eau puis remonte vers le hameau de Rignana où se trouve un restaurant et plusieurs agriturismi. Puis le chemin se transforme en strada bianca (route blanche) dans les bois. La strada bianca est un intermédiaire entre un chemin et une route bitumée. Elle est damée et très blanche. Je crois qu’elle tend à disparaître aujourd’hui au profit des routes noires bitumées.

        Mes routes blanches sont quasiment désertes, de très rares piétons et voitures. Ces dernières lèvent une poussière abondante à leur passage. La route n’est pas droite mais la pente est raide, bientôt, j’atteindrai le point culminant de la journée qui est à un peu plus de 500 m d’altitude. La fatigue se fait sentir. Voilà, j’aborde la descente, arrive à un carrefour en croix et retrouve les routes noires. Il y a une maison isolée et devant un panneau : Greve in Chianti 4 km.

        Cette fois, je le suis, dans une heure j’aurai fini, et réussi, mon voyage et mon vieux projet. La petite route serpente agréablement entre les vignes et les oliviers, devant moi, un couple de promeneurs en tenue sport-ville. Ils disparaissent avant que je les rejoigne. Je ne suis plus isolé, hameaux, fermes … A un détour de la route, j’aperçois en contrebas un beau village médiéval fortifié, je le reconnais, il est en photo sur le site internet de la commune, ce doit être Greve. Je m’approche, il s’agit de Montefioralle, ce n’est pas encore Greve. 2 km encore pour atteindre la ville. 


Montefioralle

Je reviendrai à Montefioralle, cela en vaut la peine. Je poursuis, toujours en descente, toujours entre les vignes et les oliviers.

        Voilà les premières maisons, je surplombe la ville qui est au fond de la vallée. J’observe. Les toits sont de tuiles romaines, les maisons semblent modestes. J’aperçois sur un mur, en grandes lettres dorées, l’enseigne de l’hôtel Casa al Sole. La ville est toute en longueur au long du fleuve … Greve, apprendrai-je. « A nous deux maintenant ! », non, non, je blague, bien sûr.


        Je descends par un chemin goudronné, passe près du musée Saint-François, une ancienne maison religieuse. Près de la porte, présentation succincte du musée, horaires d’ouverture, je reviendrai le visiter. Je continue la descente, je suis en ville, le chemin débouche sur une rue commerçante, la suivre jusqu’à une placette, l’hôtel est sur une grande place presqu’en face de la placette, de l’autre côté de la grande rue qui traverse la ville. Voilà, je suis sur la grande place carrée. Je me sens dans un état second, très nerveux. Je n’ai qu’une préoccupation, me prendre en photo avec quelque part le nom de Greve in Chianti.

Arrivé. (Le G a été redressé le lendemain)

        La place d’abord, au fond, bar et restaurant, à droite l’hôtel, à gauche, la bibliothèque municipale et au long de la grande rue des cubes métalliques portant chacun une lettre du nom de la ville. Je m’assieds sur le premier et essaie de prendre la photo en enfilade. Ça ne marche pas. Sur le bâtiment à gauche est écrit, à hauteur d’yeux : « Comune di Greve in Chianti - Biblioteca comunale ».
        Assises sur un banc de la place, deux femmes bavardent. Je m’approche et leur demande, dans un italien précipité et mal maîtrisé, si elles veulent bien me prendre en photo devant la bibliothèque, après leur avoir expliqué d’où je viens. L’une me dit ne rien comprendre, heureusement ce n’est pas le cas de l’autre qui accepte en souriant. La dame prend une série de photos et me rend mon téléphone. Je la remercie vivement, elle retourne près de sa compagne et je reviens au milieu de la place.
        Cette fois, c’est fini, je suis arrivé. Mes nerfs lâchent un peu, les larmes me monte aux yeux. Ça ne dure pas.
        Maintenant, repos et profiter des quatre jours ici. Il est encore tôt, 16h passées. Je m’installe à la terrasse du bar au fond de la place « Al Cinghiale Allegro » (Au Joyeux Sanglier), le sac est posé. Le serveur est sympathique et affable, la bière est bonne, un peu amère comme j’aime, et me fait du bien. Ce sera mon rendez-vous de fin d’après-midi. La pression, nerveuse pas la bière, est redescendue. Je me présente à l’hôtel. C’est un hôtel familial où je serai très bien. On m’installe à l’étage dans une grande chambre qui a un grand balcon. J’ai une vue de la ville, bien sûr, avec, en arrière plan, une belle colline. Le farniente peut commencer.


        Quelques mots sur la ville. Greve in Chianti a 15 000 habitants, tout en longueur sur le fleuve Greve qui, à cette saison, ressemble à un ruisseau. Elle est consacrée au vin de Chianti et au tourisme et est jumelée avec Auxerre en France, ville du vin également. Greve a vu naître deux grands navigateurs Amerigo Vespucci et Giovanni da Verrazzano.
        Amerigo Vespucci est un compagnon de voyage de Christophe Colomb et le continent découvert, l’Amérique, porte son nom.

        Giovanni da Verrazzano est, lui, le découvreur de l’embouchure de l’Hudson. Il a nommé l’endroit La Nouvelle-Angoulême en hommage à son commanditaire, le roi François Ier né dans cette ville de France. Au cours du temps, La Nouvelle-Angoulême est devenue La Nouvelle-Amsterdam puis New-York. Aujourd’hui, le pont suspendu à l’entrée de la baie de New York porte son nom, c’est le pont Verrazzano. Sur la place centrale de Greve, la place de la mairie bordée d’arcades avec des restaurants et des commerces, figure la statue de Verrazzano en commandeur.

        Le 29 septembre, j’ai dîné ici dans un restaurant et parlé de mon voyage. A la fin du repas, fort bon, je suis tenu de remplir le livre d’or de la maison et comme c’est le jour de Saint-Michel, on m’offre la Grappa que j’avais commandée.

        A Greve, il y a aussi un musée du vin privé. Il ouvre une fois le matin et une fois l’après-midi, s’il y a des visiteurs. il appartient à la très ancienne charcuterie Forlani de Greve qui a aussi une oenothèque. Un matin, un sommelier suivi de deux jeunes femmes ouvre le musée. Je fonce et m’incruste dans la visite. Ce sont deux Canadiennes, la visite est commentée en anglais, il y a là tous les outils anciens pour le travail de la vigne et la fabrication du vin, et aussi un séchoir à jambon. Le séchoir est une salle dont tous les murs sont couverts de jambons de cinta senese (mot à mot, ceinture siennoise), un porc élevé uniquement dans la région de Sienne dont la peau est noir et rose. Des ardoises mentionnent les clients de ces produits de luxe, l’aristocratie européenne et le parlement européen, notamment. Nous n’aurons pas de dégustation.

        A l’oenothèque, je comprends que les Canadiennes sont Québécoises. Nous nous installons dans un coin salon, verre en main et avons une chouette conversation.
        J’ai visité le musée Saint-François, il contient des peintures religieuses de maîtres plus ou moins importants des siècles passés et de nombreux objets du culte précieux et anciens, protégés par des vitrines, ciboires, crucifix, reliquaires …  Il y a là aussi une belle terrasse où je me suis attardé qui domine la ville et ses environs, tout de collines.
        Je suis aussi sorti de Greve, c’est confortable de marcher sans le grand sac-à-dos. Je suis allé au très beau village perché de Montefioralle, où se trouve la maison cossue des Vespucci et je suis allé aussi voir le château des Verrazzano, très vieille famille aristocratique de la Toscane, qui est devenu un imposant domaine viticole.


        Mercredi 2 octobre, c’est le retour à la maison. Je quitte la sympathique Casa al Sole. Une heure de bus jusqu’à Florence j’avais déjà perdu l’image des paysages urbains. La gare Santa Maria Novella est noire de monde, j’avais aussi perdu l’idée de la foule. Allez, le train rapide pour Milan, j’apercevrai Milan en allant à pied d’une gare à l’autre, puis le TGV pour Paris. Je suis heureux.




        Je tiens à remercier les personnes qui m’ont aidé dans l’entreprise de ce beau voyage :

        . Mon épouse Rolande qui m’a totalement soutenu et a suivi ma progression, sinon pas à pas, au jour le jour,
        . Mes très chères filles Estelle et Anne-lise, surprises et ravies de mon projet,

        . Le Rando Club Yerrois, qui a fait ma préparation physique, à son insu au début, et m’a soutenu amicalement. Je remercie
                . Ses deux présidents successifs, Jean et Roland. Jean a été enthousiasmé par mon projet et m’a incité à écrire ce récit,
                . Isabelle qui l’a publié sur le site internet du club,
                . Bien évidemment, mes accompagnateurs sur les chemins de Bourgogne, du Beaujolais et des Alpes, Jean-Luc, Patrick, Michel et Claude,
                . Les randonneurs chevronnés qui m’ont donné de nombreux et précieux conseils pour la préparation de mon équipement, et tous les animateurs et membres du club,

        . Les associations Les Pèlerins de Saint-Jacques Paris-Sens-Vézelay et son président Gérald pour ses conseils amicaux, et Les Chemins d’Assise qui m’ont grandement facilité l’organisation du parcours et des étapes.

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Greve - Le coq emblématique du Chianti

Greve - La statue de Varrazzano sur la place centrale de la ville

Greve - La place centrale le soir

Greve

Montefioralle - Entrée de la maison des Vespucci

Montefioralle

Dans les environs de Montefioralle

Greve - Il Palazzo Comunale (l’hôtel de ville, sur la place centrale)

Greve - Villa toscane

Le Greve à Greve

Près de Greve

Greve - Séchoir à jambon

Le château des Verrazzano

La tour du château Varrazzano (XIè siècle)

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